J.O. Numéro 121 du 25 Mai 2000       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 07850

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Décret no 2000-434 du 22 mai 2000 relatif à la mise à l'arrêt définitif et au démantèlement de l'usine de fabrication de combustible nucléaire exploitée par la Société franco-belge de fabrication de combustible, à Pierrelatte, dans la Drôme


NOR : ECOI0000141D


Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement,
Vu la loi no 61-842 du 2 août 1961 modifiée relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs ;
Vu la loi no 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux ;
Vu la loi no 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, ensemble les textes pris pour son application ;
Vu la loi no 80-572 du 25 juillet 1980 modifiée sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, ensemble les textes pris pour son application ;
Vu le décret no 63-1228 du 11 décembre 1963 modifié relatif aux installations nucléaires, et notamment son article 6 ter ;
Vu le décret no 66-450 du 20 juin 1966 modifié relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants ;
Vu le décret no 75-306 du 28 avril 1975 modifié relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants dans les installations nucléaires de base ;
Vu le décret du 7 septembre 1982 autorisant la société Cogéma et Framatome à créer sur le territoire de la commune de Pierrelatte dans la Drôme une usine de fabrication de combustible nucléaire ;
Vu le décret du 18 octobre 1985 autorisant la Société franco-belge de fabrication de combustible à exploiter l'installation nucléaire de base constituée par l'usine de fabrication de combustible nucléaire de Pierrelatte et précédemment exploitée par la société Cogéma et Framatome ;
Vu les deux lettres de la société FBFC en date du 12 juillet 1999 relatives à la mise à l'arrêt définitif et au démantèlement de l'usine de Pierrelatte et le dossier associé comportant notamment les documents prévus à l'article 6 ter du décret du 11 décembre 1963 modifié susvisé ;
Vu l'avis émis par la commission interministérielle des installations nucléaires de base lors de sa séance du 10 décembre 1999 ;
Vu l'avis conforme du ministre chargé de la santé en date du 8 février 2000,
Décrète :

Art. 1er. - Les dispositions relatives aux opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement de l'usine de fabrication de combustible nucléaire de Pierrelatte, dans la Drôme, prévues dans les documents ci-après énumérés :
- la note de synthèse justifiant l'état choisi pour l'installation au terme des opérations visées au présent article ;
- le rapport de sûreté applicable aux opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement prévues au présent article et les dispositions permettant d'assurer la sûreté de l'installation ;
- les règles générales de surveillance et d'entretien de l'installation à observer pour maintenir un niveau satisfaisant de sûreté ;
- la mise à jour du plan d'urgence interne du site de l'installation,
présentés à l'appui des lettres susvisées de la Société franco-belge de fabrication de combustible, sont approuvées sous réserve du respect des conditions particulières prescrites par le présent décret.
Lesdites dispositions ont pour objectif de libérer l'ensemble des locaux de l'installation de toutes contraintes nucléaires, notamment par :
- la dépose et la décontamination de tous les matériels ou équipements (réseaux d'extraction de ventilation, réseaux et cuves d'effluents liquides...) présentant une contamination significative ;
- la mise aux déchets ou la réutilisation éventuelle de ces matériels ou équipements ;
- l'assainissement radioactif de l'ensemble des locaux,
et de permettre de rayer l'installation de la liste des installations nucléaires de base.

Art. 2. - La Société franco-belge de fabrication de combustible, en sa qualité d'exploitant de l'installation nucléaire de base mentionnée à l'article 1er, se conformera à l'ensemble des prescriptions techniques générales du présent décret, sans préjudice du respect des autres dispositions réglementaires en vigueur, notamment en matière :
- d'application du droit du travail ;
- de protection de l'environnement ;
- de protection et de contrôle des matières nucléaires ;
- de gestion des déchets ;
- de prélèvement d'eau et rejets d'effluents ;
- de prévention des risques technologiques ;
- d'appareils à pression ;
- de radioprotection.

Art. 3. - L'exploitant respectera en outre les prescriptions techniques générales énumérées ci-après :
3.1. Qualité de l'installation
En application de l'arrêté du ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur du 10 août 1984 relatif à la qualité de la conception, de la construction et de l'exploitation des installations nucléaires de base, l'exploitant veillera à obtenir, pour les éléments de l'installation modifiée selon les opérations visées à l'article 1er, une qualité appropriée par la mise en oeuvre d'un ensemble contrôlé d'actions planifiées et systématiques, fondées sur des procédures écrites et archivées.
L'exploitant réalisera un recensement, un classement et un archivage de tous les documents relatifs à ces opérations. Il s'assurera de la pérennité de cet archivage.

3.2. Organisation des travaux
L'exploitant, préalablement à l'ouverture du chantier :
- définira les périmètres d'intervention, les circulations du personnel, du matériel et des déchets ainsi que les dispositions prises pour éviter les transferts éventuels de contamination de la zone de chantier vers les zones non concernées par les opérations d'assainissement et de démantèlement ;
- rédigera des procédures et des modes opératoires relatifs aux opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement.

3.3. Confinement et protection contre le risque de dissémination
de la radioactivité pendant toute la durée des travaux
Les opérations seront conduites et l'installation sera surveillée de telle sorte que soit respecté l'ensemble des règles applicables en matière de protection contre la dissémination de substances radioactives à l'intérieur de l'installation et dans son environnement.
Dans les parties de l'installation où le risque de dissémination radioactive existe ou subsiste, des dispositifs de ventilation maintiendront, par rapport à la pression atmosphérique, une dépression fixée dans les règles générales de surveillance et d'entretien et adaptée à l'importance du risque, compte tenu des opérations qui y seront conduites ; lorsque ces parties de l'installation communiquent entre elles ou sont susceptibles de se trouver mises en communication, les dispositifs de ventilation permettront l'établissement d'une cascade de dépression suffisante pour prévenir la diffusion de produits radioactifs à partir des parties présentant les risques de dissémination radioactive les plus élevés vers celles présentant de moindres risques.
Les barrières de confinement nécessaires seront maintenues ou, si besoin est, reconstituées.
L'air provenant des parties ventilées de l'installation présentant un risque de dissémination de radioactivité sera filtré à travers des filtres à très haute efficacité et contrôlé avant d'être rejeté à l'extérieur. Les dispositifs de ventilation, et notamment l'efficacité de leurs filtres, feront l'objet d'une surveillance régulière.
L'ensemble des alarmes liées aux systèmes de surveillance de l'installation pendant et après les travaux de modification sera retransmis en un lieu du site où se trouve en permanence un personnel de surveillance.
L'exploitant prendra toutes dispositions pour éviter tout risque de dissémination de substances radioactives dans les eaux souterraines et les réseaux d'eaux usées et pluviales, notamment dans la zone d'entreposage des déchets ; en particulier, les eaux pluviales et souterraines feront l'objet d'un contrôle périodique.
Un compte rendu sera adressé chaque année à l'Office de protection contre les rayonnements ionisants et à la direction de la sûreté des installations nucléaires.

3.4. Protection des travailleurs et du public
contre l'exposition aux rayonnements ionisants
Des zones réglementées seront délimitées à l'intérieur de l'installation dans les conditions prévues par le décret du 28 avril 1975 susvisé.
Sans préjudice de l'application de la réglementation en vigueur sur la limitation des doses annuelles pouvant être reçues par les travailleurs et par le public, des dispositions appropriées seront prises pour que les doses efficaces individuelles et collectives reçues par les travailleurs et le public restent aussi faibles que raisonnablement possible.
A l'issue des opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement, l'exploitant transmettra à la direction de la sûreté des installations nucléaires, à la direction générale de la santé ainsi qu'à l'Office de protection contre les rayonnements ionisants un bilan radiologique couvrant la période des travaux.

3.5. Effluents liquides et gazeux
Durant la période de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement, l'exploitant prendra toutes dispositions utiles pour limiter les effluents radioactifs et chimiques.
Le rejet de tous les effluents produits pendant la période de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement et pendant la période de surveillance de l'installation devra s'inscrire dans le cadre des autorisations du site de la Société franco-belge de fabrication de combustible à Pierrelatte.
L'exploitant maintiendra un contrôle de l'absence de radioactivité de l'air provenant du système de ventilation.

3.6. Gestion des déchets
I. - L'exploitant assume, conformément aux objectifs de l'article 3.1 du présent décret, la responsabilité de l'ensemble des déchets radioactifs et non radioactifs pendant les travaux de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement de son installation. En particulier, il devra :
- s'efforcer de réduire le volume des déchets produits dans son installation et optimisera leur gestion en veillant à faciliter leur valorisation par réemploi ou recyclage ou à les traiter chaque fois que cela sera possible ;
- trier par nature et par catégories de nuisance chimique ou radioactive en vue de faciliter le traitement, la valorisation, le conditionnement et le stockage ultérieur des déchets produits dans des centres autorisés ;
- prendre toutes dispositions appropriées pour réduire au minimum le nombre d'emballages contenant des déchets qui séjournent transitoirement dans l'installation en attente d'évacuation ;
- garantir, notamment par archivage, le suivi des déchets (localisation, quantité, nature) jusqu'à leur élimination définitive dans des installations autorisées.
II. - En préalable à l'évacuation des déchets radioactifs de l'installation et au plus tard six mois après la publication du présent décret, l'exploitant soumettra pour approbation au directeur de la sûreté des installations nucléaires une « étude déchets » mettant en évidence la mise en oeuvre effective des principes énoncés ci-dessus. Cette étude déchets comprendra :
- un plan de zonage identifiant les parties de l'installation à l'origine de déchets radioactifs ; ce zonage devra prendre en compte la conception de l'installation initiale, ses règles de fonctionnement et les incidents ayant pu s'y produire ;
- une description des modes de production des déchets ;
- une description des entreposages ;
- l'organisation qui sera mise en place par l'exploitant pour assurer le contrôle et le suivi des flux de déchets vers les différentes catégories de filières d'élimination ;
- les différentes filières d'élimination.
L'étude déchets, pendant les travaux de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement :
- fera référence à des procédures de gestion qui seront mises en application à cette occasion ;
- servira de référentiel pour la gestion des déchets qui seront produits.
III. - A l'issue des travaux, l'exploitant transmettra au directeur de la sûreté des installations nucléaires un bilan des déchets, radioactifs et non radioactifs, produits au cours desdites opérations, dans lequel seront précisés leur nature physico-chimique, leur volume, leur activité, leur contenu en radioéléments et leur devenir.

3.7. Protection contre l'incendie
Des dispositions seront prises pour réduire les risques et les conséquences des incendies d'origine interne à l'installation, permettre leur détection, empêcher leur extension et assurer leur extinction.
Durant la phase des travaux, les chemins d'évacuation devront être parfaitement définis et dégagés. Ils devront avoir été portés à la connaissance de l'ensemble des agents présents sur l'installation.

3.8. Protection contre les agressions de l'environnement
Des dispositions seront prises en vue d'assurer un confinement suffisant des substances radioactives, compte tenu de toutes les circonstances plausibles pouvant résulter du fonctionnement normal ou accidentel des installations voisines, ou des transports effectués au voisinage de l'installation, notamment des effets dynamiques et des projectiles susceptibles d'atteindre cette dernière.
L'exploitant se tiendra informé de tous les projets de modification de l'environnement par rapport à la description du dossier joint à la demande de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement susvisée, ayant ou pouvant avoir des conséquences sur le respect des prescriptions du présent décret ou sur la sûreté de l'installation, et présentera à la direction de la sûreté des installations nucléaires un dossier précisant les conséquences de la modification envisagée, compte tenu des circonstances normales ou accidentelles prévisibles.

3.9. Protection contre les séismes
Pendant la durée des opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement, l'exploitant veillera à ce que la capacité de tenue au séisme des différentes parties de l'installation ne soit pas altérée tant pour celles qui seront maintenues en l'état que pour celles qui seront modifiées.

3.10. Formation du personnel
Sans préjudice des dispositions de l'article 11 du décret du 28 avril 1975 susvisé, le personnel qui sera affecté aux travaux de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement devra posséder les aptitudes professionnelles normalement requises et recevoir une formation particulière en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

3.11. Manutention
Sans préjudice de la réglementation relative au contrôle des appareils de manutention, des dispositions seront prévues en matière de règles d'exploitation afin de prévenir le risque de chute de charge et d'en minimiser les conséquences compte tenu de toutes les circonstances plausibles.

3.12. Transport de substances radioactives
Les transports de substances radioactives à l'intérieur de l'installation seront effectués selon les modalités propres à assurer le respect de la réglementation relative à la protection des différentes catégories de travailleurs, du public et de l'environnement.
Les emballages de transport de substances radioactives feront l'objet de contrôles de radioactivité à leur réception et avant leur expédition.

Art. 4. - Les travaux de modification seront réalisés de telle sorte que l'installation ne puisse être à l'origine de bruits ou vibrations pouvant constituer une gêne pour la tranquillité du voisinage. La gêne éventuelle sera évaluée conformément à l'arrêté du ministre de l'environnement du 20 août 1985 relatif aux bruits aériens émis dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement.

Art. 5. - Les opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement devront conduire à l'évacuation des matériaux et des équipements de l'installation dont la radioactivité est significative.
Pour les parties restantes, la radioactivité fixée des locaux et des équipements de l'installation ne devra pas, à l'état final, dépasser les limites suivantes d'activité résiduelle :
- activité massique alpha : 1 Bq/g ;
- activité surfacique alpha : 0,4 Bq/cm2.
Les locaux ne devront plus présenter de contamination labile. Le débit de dose ambiant devra être contrôlé dans tous les locaux. Des procédures de caractérisation de l'état radiologique de l'installation après travaux devront permettre un contrôle exhaustif de l'ensemble des locaux.
Un compte rendu détaillé de l'état radiologique de l'installation, justifiant que les objectifs fixés dans le présent article ont été atteints, sera transmis au directeur de la sûreté des installations nucléaires et au président de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants.

Art. 6. - Après la fin des opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement et au plus tard dans un délai de trois ans après la publication du présent décret, l'installation sera rayée de la liste des installations nucléaires de base par décision des ministres chargés de l'industrie et de l'environnement. L'approbation des bilans mentionnés aux articles 3.4 et 3.6 et du compte rendu détaillé mentionné à l'article 5 constituera un préalable à cette décision.

Art. 7. - Sans préjudice de l'application des règlements en vigueur, tout accident ou incident, nucléaire ou non, ayant eu ou risquant d'avoir des conséquences notables pour la sûreté de l'installation dont la mise à l'arrêt définitif et le démantèlement sont autorisés par le présent décret, sera déclaré sans délai par l'exploitant aux ministres chargés de l'environnement, de l'industrie et de la santé, ainsi qu'à l'Office de protection contre les rayonnements ionisants.

Art. 8. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et le secrétaire d'Etat à l'industrie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 22 mai 2000.


Lionel Jospin
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie,
Laurent Fabius
La ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement,
Dominique Voynet
Le secrétaire d'Etat à l'industrie,
Christian Pierret